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Le parcours du médicament

Le développement d’un médicament suit un parcours long et balisé. Plus d’une décennie s’écoule entre la découverte par un chercheur d’une « cible thérapeutique » (une protéine, un gène, etc. lié à une maladie) et la commercialisation d’un médicament. Les étapes de tests nécessaires à cette mise sur le marché sont bien codifiées et réglementées. Elles exigent un investissement considérable en temps et en ressources pour tout laboratoire pharmaceutique.

De l'in vitro à l'in vivo

Une fois qu’une cible est découverte, elle est mise en contact in vitro avec des milliers de molécules chimiques, et seule une petite partie d’entre elles parmi les plus intéressantes sera testée in vivo sur des modèles animaux. Les 3 à 5 plus prometteuses sont ensuite testées chez l’homme, d’abord chez des personnes non malades, puis sur des groupes de plus en plus importants de personnes atteintes de la maladie ciblée. Une molécule peut alors « sortir du lot ».

Vers la mise sur le marché

Si les résultats de tous ces essais sont concluants, cette molécule peut faire l’objet d’une demande d’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) auprès des autorités de santé, qui évalueront sa pertinence thérapeutique, son prix et son taux de remboursement. 

Une fois commercialisé, le médicament sera ensuite surveillé dans le cadre de sa prescription courante sur l’ensemble de la population afin de réévaluer régulièrement son efficacité, ses effets secondaires, ses indications, etc.

 

La recherche fondamentale représente le point de départ indispensable au développement de tout médicament. Elle se consacre à comprendre comment l’organisme fonctionne, de manière physiologique (normale) et pathologique (lors d’une maladie), ce qui permet de cerner finement comment une maladie se développe et donc, comment il est possible de la prévenir, la soulager, la soigner ou la guérir. 

Dans le cas du cancer, les chercheurs essaient par exemple de comprendre comment une cellule normale devient cancéreuse, comment elle échappe au système immunitaire, comment elle forme une tumeur, comment celle-ci croît dans l’organisme, etc.

Dès lors que certains processus génétiques, cellulaires et/ou métaboliques anormaux particuliers sont mis en évidence,  ils peuvent devenir des « cibles thérapeutiques ». L’enjeu est de trouver la bonne « flèche », c’est-à-dire une molécule chimique capable d’agir sur ces cibles (protéine, récepteur cellulaire, enzyme, gène…) pour entraver le développement cancéreux. 

Il est aujourd'hui admis qu'en cancérologie, la recherche fondamentale est « le socle de toutes les innovations ».

La recherche fondamentale est habituellement réalisée dans des laboratoires universitaires publics.

La recherche pharmaceutique, ou « drug discovery », sert à identifier une molécule active sur une cible découverte par la recherche fondamentale. Elle procède en phases successives :

1. Un test in vitro est mis au point pour visualiser et mesurer l’activité de la cible.

2. Le screening est mis en œuvre. Il s’agit de la mise en contact de cette cible (enzyme, protéine, etc.) soit avec :

  • des milliers de molécules chimiques provenant de larges banques de données appelées « chimiothèques » (criblage systématique),
  • certaines molécules connues pour leur activité spécifique (criblage orienté).

    Il est également possible de chercher à concevoir la molécule pouvant agir sur la cible par des techniques de modélisation in silico (informatiques).

3. Après identification des composés dits « touches » ou « hits », autrement dit démontrant des effets particulièrement intéressants, de nouveaux tests sont effectués pour mesurer l’effet-dose et vérifier leurs propriétés physicochimiques.

4. La structure moléculaire des hits est optimisée par chimie médicinale pour améliorer leur activité sur la cible et leur comportement in vivo.

Les études précliniques ont pour objectif d’évaluer dans des systèmes vivants (in vivo) mais non humains l’effet d’un candidat médicament. Il doit faire appel à l’expérimentation animale, le plus souvent des rongeurs : souris ou rats. C’est une obligation à la fois scientifique et légale car il est impossible de mimer in vitro la complexité d’un organisme vivant et il n’est pas envisageable de tester une substance inconnue directement chez l’homme.

Elles permettent :

  • d’évaluer le candidat médicament dans son mécanisme d’action et à mesurer son activité (pharmacologie),
  • de décrire son comportement et le devenir de la substance dans un organisme vivant (pharmacocinétique), 
  • d’établir son degré de toxicité.

Habituellement, un brevet est déposé à cette étape pour protéger la découverte.

Les essais de phase 1 servent à évaluer certains effets d’un candidat médicament chez l’homme, dont : 

  • sa pharmacocinétique : comment la substance est absorbée, diffusée, transformée puis éliminée par l’organisme,
  • sa toxicité : la tolérance et les effets indésirables sont observés, de manière à corroborer la toxicité pré-évaluée chez l’animal et à estimer, par paliers croissants, la dose maximum possible de cette substance chez l’homme.

Les tests sont habituellement menés sur de petits groupes de personnes (moins de 100) non malades (on parle de « volontaires sains ») sur courte durée et sous étroite surveillance médiale dans des centres agréés par les autorités de santé.

En cancérologie, des essais de phase 1 peuvent être proposés à des patients chez lesquels les ressources thérapeutiques habituelles sont épuisées.

Les essais de phase 2 ont pour objectif de :

  • confirmer l’action thérapeutique du candidat médicament, 
  • vérifier sa dose optimale
  • mesurer ses éventuels effets indésirables

Les tests sont donc menés sur des personnes malades, généralement sur une période de quelques mois. Dans un premier temps, la phase « 2a », la substance est testée sur un relativement petit groupe de malade (100 à 200 personnes),  puis lors de la phase « 2b », elle est testée sur un échantillon plus grand (plusieurs centaines) afin de déterminer la dose à la fois efficace et bien tolérée de substance à administrer.

Les essais de phase 2 comparent habituellement les candidats médicaments avec des placebos pour bien évaluer leur efficacité : les patients sont divisés en 2 groupes dont l’un reçoit la molécule, l’autre non.  

Les essais de phase 3 permettent :

  • de comparer l'efficacité thérapeutique du candidat médicament par rapport au traitement de référence actuel et/ou à un placebo, en particulier si aucune thérapie n'existe,
  • d’évaluer son rapport bénéfice/risque.

La population étudiée est donc divisée en deux groupes (parfois plus) : 

  • l’un prend le candidat médicament : c’est le « groupe expérimental ».
  • l’autre prend soit le traitement standard, soit un placebo : c’est le « groupe témoin ». 

Habituellement, ni le patient ni l’équipe médicale ne sait quel traitement prend le patient -on parle d’essai « en double aveugle »- de manière à garantir une objectivité maximale.

Ces essais sont menés sur de grandes populations de patients, de plusieurs centaines à plusieurs milliers, généralement dans plusieurs centres d'études : on les dits « multicentriques ». 

Si les résultats des tests sont concluants à l'issue de cette phase, ils sont soumis aux autorités de santé afin que le candidat médicament puisse être commercialisé. C’est ce qu’on appelle l’AMM (Autorisation de Mise sur le Marché). Parallèlement à la réalisation de ces essais cliniques se déroule habituellement une phase de développement industriel du médicament.

Les entreprises pharmaceutiques ayant mené des essais cliniques de phases 1 à 3 aux résultats positifs vont souhaiter produire industriellement et commercialiser la molécule sous forme de médicament. Pour cela, elles doivent rassembler toutes les données de leurs tests dans un dossier d’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM). 

L'AMM est délivrée par les autorités compétentes européennes (la Commission européenne, après avis de l’European Medicine Agency - EMA) ou nationales (l’Agence nationale de sécurité du médicament - ANSM).

Le dossier d’AMM a une structure harmonisée au niveau international pour faciliter son évaluation par les autorités. Il détaille trois aspects-clés :

  • qualité : données liées à la fabrication industrielle du médicament  (production des matières premières et du produit fini, contrôles de la reproductibilité du procédé de fabrication).
  • sécurité : données des études conduites lors du développement préclinique (toxicologie, pharmacocinétique…) 
  • efficacité : résultats des études cliniques sur l’homme sain et malade, et établissant un rapport bénéfice/risque favorable.

Il est également accompagné du Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP), de la notice patient et des informations concernant l’étiquetage.

Différentes procédures de mise sur le marché sont possibles : 

  • centralisée : le dossier est déposé au siège de l’EMA pour une autorisation valable pour tous les pays européens,
  • de reconnaissance mutuelle : le dossier est déposé auprès de l’autorité compétente d’un Etat membre qui peut être étendue aux autres pays,
  • décentralisée : le dossier est déposé en même temps auprès de tous les pays membres et l’autorisation est accordée par un pays référent.

L’autorisation temporaire d’utilisation (ATU)

Exceptionnellement, un médicament destiné à traiter une maladie grave ou rare peut être mis à disposition dans des établissements de santé avant son AMM, en cas d’urgence et en l’absence d’autre traitement approprié.

Le dossier d'AMM passe devant la Commission de Transparence de la Haute Autorité de Santé (HAS), qui donne son avis sur  le Service Médical Rendu (SMR) et l’Amélioration du Service Médical Rendu (ASMR) que représente le médicament pour les patients atteints de la maladie qu’il cible. Le prix du médicament est fixé par le Comité Economique des Produits de Santé (CEPS) et son taux de remboursement, par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM).

 

La phase 4 (ou post-AMM) est le suivi à long terme d'un médicament après sa mise sur le marché. Elle doit permettre de dépister des effets secondaires rares ou des complications tardives.

En effet, lors des études cliniques précédant l’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM), un faible nombre de patients est traité par rapport aux dizaines ou centaines de milliers de personnes susceptibles de prendre le médicament une fois commercialisé, et l’action du médicament est observée sur une durée limitée. Il n’est alors pas possible de voir par exemple : 

•    les effets indésirables rares, 
•    la toxicité liée à l’usage chronique, 
•    l’utilisation chez les personnes âgées, les femmes enceintes ou allaitantes,
•    les interactions médicamenteuses…  

Les risques liés au médicament doivent donc être surveillés et mesurés par les laboratoires pharmaceutiques dans le cadre de leur prescription courante, dans « la vraie vie ». Pour ces entreprises, la mise en place d’un service de pharmacovigilance est une obligation réglementaire. Ce service doit traiter toutes les informations sur les événements indésirables associé au médicament, quelle qu’en soit la source, et les rapporter aux autorités de santé. En cas de risque pour la santé du patient, un médicament peut se voir appliquer une restriction ou une modification de ses indications, ou encore faire l’objet d’un retrait du marché.

Depuis 2011, les laboratoires pharmaceutiques ont pour obligation d’effectuer des études « post-AMM » d’efficacité et de sécurité.